« Il faut s’être promené », écrit Stefan Hertmans, « aux alentours de Tübingen, petite ville du sud de l’Allemagne quelque peu mesquine, pour comprendre comment ce pur exemple mensengèrement heureux de la nature allemande et de la quiétude provinciale a pu faire du poète Friedrich Hölderlin un homme surexcité et furieux – comment la proximité d’une telle clareté l’a pris dans ses filets, l’a ensorcelé avec l’énigme de la vision, cette image d’un monde possible et utopique qui emprunte sa structure au jour de marché du bas Moyen Âge.
Toute l’atmosphère désuète et bon enfant de l’université, la proximité brumeuse des forêts sur les collines – qui semble idyllique vue des murs de la ville -, l’odeur pure de futaie qui s’infiltre jusque dans les ruelles étroites à l’aube, l’extraordinaire calme bucolique des bords du Neckar, même en plain midi – bien que tout proche du centre de la vieille ville, on peu y jouir du calme et de la solitude comme en plein bois – tout cela donne l’illusion que quelque chose de ce que Proust nommait le temps perdu du vécu paradiasiaque peut encore être conservé, peut être prolongé dans notre époque, où l’on peut encore faire la dernière partie du trajet de Stuttgart à cette petite ville champêtre dans un petit omnibus poussif, au milieu des bois aux sentiers sablonneux, qui défilent comme autant d’invitations à prendre congé de sa vie et à commencer autre chose, quelque chose de vain, et par là de magnétisant et de grotesque. »
(in: Entre villes)
Après que Paul Celan avait noté un poème dans le livre d’or de la tour – Tübingen, Jänner – voici Friedericke Mayröcker, qui en 2008 a écrit 40 poèmes dans les pas de Scardanelli.
mit Scardanelli
im Grunde deines Mundes, damals
wann weisz die Schwalbe dasz es Frühling
wird nachts nadelst du als Regen an mein Fenster ich
liege wach ich denke an die Nachmittage umschlungenen
Mitternächte, vor vielen Jahren diese Rosenkugeln die
Schaafe auf der dunklen Himmels Weide
ZUGABE/RAPPEL de lyrikline :
etwas Kinder / oder / mehr ist nicht zu sagen / oder Versuch Inger Christensen und Andrea Zanzotto miteinander verknüpfend
Halbseide von Amsel halbseidene Amsel
und mit LAKOSTE im Arm weiches Bindegewebe
rosafarben der Küchenboden vielleicht
Spiegelung einer Himmelsfarbe
Herzkirschen auf einem Teller
der auf der Anrichte steht oder auf einem der leeren Töpfe
weil die Anrichte vollgeräumt ist
und Knistern Tropfgeräusche Haar-Urwald
einzelne Haare klebend an den Handinnenflächen
im Waschbecken zwischen den Brüsten an den Fußsohlen
im Innern eines Pantoffels
und wie Stelzen die Beine dürr und nackt
und der linke Daumen mit dem eingezogenen
Dorn oder Schiefer am Morgen schmerzt
das Spucken das Rülpsen das Masturbieren
die Sprüche oder Maximen am Morgen
oder daß man in der Unterführung (in den Verliesen)
wo man vor dem Regen geschützt ist
nicht weiß was man nun mit dem aufgespannten Schirm tun soll
ob man ihn abspannen soll oder wie ein
Sonnenrad vor sich her drehen soll
(Päderast oder Kampfbonbon)
oder daß der bläuliche Leib einer Fliege
sich im gleichen Zeitmaß mit den gegen das Heckfenster
des Straßenbahnwagens fließenden Regentropfen
abwärts bewegt und man ihre durchsichtige Unterseite
erblicken kann ehe sie abhebt
(getrocknete Mutter)
und ein Mädchenlachen im Hintergrund
des Straßenbahnwagens Beethovens Schicksalssymphonie intoniert
und man die Uhrzeit abzulesen versucht
indem man geistesabwesend auf den Kalender blickt
oder verschiedene Hügelbewegungen / Wandergitarre
oder die blutige Arztmanschette im Fenster
quelque part des enfants / ou / rien d’autre à dire /
ou essai combinant Inger Christensen
avec Andrea Zanzotto
demi-soie d’alouette, alouette mi-soyeuse
et LACOSTE au bras tendre tissu conjonctif
sol rose de la cuisine peut-être
réflexion d’une couleur du ciel
cœurs-cerises dans une assiette
posée sur la desserte ou sur une casserole vide
maintenant que la desserte est désencombrée
cliquètement bruit de gouttes chevelure-jungle
quelques poils collent aux paumes
dans l’évier entre les seins à la plante des pieds
à l’intérieur d’une pantoufle
comme des échasses les jambes amaigries nues
et le pouce gauche percé
d’une épine ou éclat d’ardoise le matin fait mal
cracher roter masturber
les sentences et maximes du matin
ou alors que dans le passage souterrain (dans les cachots)
où l’on est protégé de la pluie
on ne sait que faire du parapluie ouvert
doit-on le replier ou le
braquer tournoyant comme une roue solaire
(pédéraste ou bonbon de combat)
ou que le corps bleuâtre d’une mouche
avec le même rythme temporel qu’une goutte
de pluie sur la vitre arrière d’un wagon de tram
se déplace à reculons on aperçoit son abdomen
translucide avant qu’elle ne s’envole
(mère asséchée)
et un rire de jeune fille à l’arrière
du tram entonne la Symphonie du Destin de Beethoven
on essaie de lire l’heure
en regardant distraitement le calendrier
ou diverses ondulations de collines / guitare de randonnée
ou la manchette sanglante du médecin à la fenêtre
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